Appel à communication

Depuis la première édition du colloque en 2007, la dimension collective des échanges en ligne, dans ses différentes configurations (Dejean & Mangenot 2006), est au cœur des préoccupations. EPAL 2018 ne dérogera pas à cette règle en s’intéressant notamment à la question des communautés (Dillenbourg, Poirier & Carles 2003), à leur émergence et à leur nature. Un autre aspect, présent en filigrane dans les éditions précédentes, sera en revanche davantage exploré. Il s’agit de ce que l’on peut appeler la perméabilité des espaces-temps. En 2007 déjà, Goodfellow (2007) faisait remarquer dans une plénière que, sous l’influence des réseaux  socionumériques, les pratiques académiques avaient tendance à interagir avec les pratiques professionnelles et ce qu’il appelait les « pratiques sociales et récréatives ». L’édition 2011 du colloque, qui portait sur la thématique du web social, avait été l’occasion de s’interroger sur les effets de cette porosité, sur les environnements de formation institutionnels et sur la manière de prendre en compte les pratiques numériques informelles des apprenants dans la scénarisation de contenus. Mais les pratiques extra-académiques pouvant donner lieu à des apprentissages sont jusqu’à présent restées peu étudiées (à l’exception notable de Lamy (2011)). Qu’apprend-on dans les communautés d’étudiants qui se constituent sur Facebook en marge des formations universitaires ? Comment les acteurs composent-ils avec les différents espaces-temps dans lesquels ils sont amenés à évoluer ? Comment se constituent les environnements personnels d’apprentissage et pour quelles finalités ? Quelles nouvelles pratiques en termes de littératie peut-on observer dans les lieux informels d’échanges et de production ? Faut-il que l’institution s’en empare et, si oui, comment ? Tout en maintenant son intérêt pour l’étude des dynamiques collectives, EPAL 2018 portera également son attention sur l’étude des parcours d’utilisateurs, dans leur singularité, à travers les quatre axes suivants : les communautés, les apprentissages informels, les environnements personnels d’apprentissage et la littératie numérique.

Communautés

La première édition du colloque EPAL remonte à 2007, et sa création a été fondée sur la conviction d’une nécessaire présence d’interactions humaines dans les dispositifs de formation partiellement ou entièrement médiatisés. Le paysage des formations mises en place a considérablement changé depuis, et l’intégration de scénarios de communication est quasiment devenue la norme. La notion de travail en groupe, en tant que l’une des formes d’interactions en ligne, fait aujourd’hui souvent place à celle de communauté, que ce soit au sein d’un groupe-classe, avec d’autres apprenants en dehors d’un groupe-classe (dans une télécollaboration, un Mooc, un réseau social) ou bien dans le cadre d’autres pratiques sociales (telles que des jeux en réseau). La caractérisation de ces communautés, d’apprentissage, de pratique, d’intérêt, voire de parole et les indicateurs (cf. par exemple Lave & Wenger 1991 ; Marcoccia 2001[1] ; Henri & Pudelko 2006) de leur constitution ont donné lieu à des questionnements récurrents dans les études sur la formation en ligne. En lien avec la thématique principale du colloque, on pourra se demander quelle est la place ou l’importance de ces communautés pour les cheminements individuels, ou plus généralement pour les parcours des utilisateurs, par exemple en ce qui concerne l’autonomisation ou le soutien socio-affectif.

Apprentissages informels

Un symposium du colloque EPAL 2011 s'intitulait « Web social et communautés autour des  langues étrangères : la part   de   l'informel   et   du   formel ». Les définitions du Conseil de l'Europe concernant l'informel, le non formel et le formel étaient rappelées : la différence entre l'informel et le non formel relèverait surtout d'une question d'intentionnalité. Et l'un des objets analysés était les sites d'apprentissage et de réseautage en langues, qui semblent aujourd'hui en perte de vitesse (cf. fermeture de Livemocha). D’autres études depuis se sont intéressées à la manière dont les acteurs éducatifs (enseignants et apprenants) articulent sphères personnelles et académiques, que ce soit dans le cadre d’activités documentaires (Cordier 2015, Aillerie 2011), de l’apprentissage des langues (Lamy 2011, Calonne 2017[2]), ou encore d’activités d’écriture (Schneider 2013). Quelles ruptures et continuités observe-t-on dans les usages des utilisateurs ? Comment rendre compte de la variété des pratiques et, le cas échéant, de leur complémentarité ? Quelles traces les productions numériques portent-elles, d’une part, des lieux traversés par les usagers et, d’autre part, des dispositifs techniques utilisés ? Quels cadres théoriques mobiliser pour rendre compte des dynamiques et des phénomènes en jeu ?  Sur le plan méthodologique, la constitution de corpus d’échanges, les entretiens et les captations dynamiques d’écrans permettent-ils de documenter suffisamment les usages ? Quels autres moyens sont disponibles ? Quelles nouvelles pistes méthodologiques envisager pour étudier de manière plus fine les parcours effectués par les utilisateurs d’un contexte d’apprentissage à l’autre ?

Environnements personnels d’apprentissage

Les environnements personnels d’apprentissage (EPA), auxquels un numéro spécial de STICEF a été consacré en 2014, remettent en cause la forme scolaire (Vincent 1994). On n’apprend pas seulement au sein de cadres formels d’apprentissage, mais aussi en marge des institutions éducatives, dans une variété de lieux et de moments (Charlier 2013), à partir de “ressources” (supports, outils, contenus) rassemblées par les apprenants eux-mêmes. Certes, cette situation n’est pas nouvelle. Comme le rappelle Henri (2014), avant l’ère du numérique, les EPA étaient constitués “de documents produits par l’apprenant pour son usage personnel mais aussi pour le partage avec d’autres apprenants : notes de cours, résumés de lecture, tableaux, synthèses, cartes conceptuelles, etc.”. De nos jours, les EPA, s’ils comportent toujours des supports imprimés (Roland 2014), sont également constitués de supports numériques (agendas, documents partagés, podcast, vidéos, etc.) qui viennent soutenir des activités d’apprentissage, en tout lieu et en tout temps. Quelle place occupent les échanges dans ces environnements et, quelles sont leurs fonctions ? Dans une perspective plus ingénierique, le questionnement pourra porter sur la manière de tenir compte des EPA et des échanges qui y prennent place dans la scénarisation de contenus de formation et la conception de dispositifs.

Littératie numérique

Les technologies de l’information et de la communication ont transformé la manière dont nous lisons, écrivons, interagissons, cherchons et organisons l’information. Elles ont donné lieu à de nouveaux modes d’expression et formes de représentations de la connaissance. En 1996, le New London Group faisait déjà le constat de « la multiplication et l’intégration croissante » de différents modes sémiotiques (texte, images, audio) dans les pratiques numériques (Cazden & al. 1996). Avec le temps et l’avènement du web 2, la dimension sociale a pris de l’importance et les formes d’interaction se sont diversifiées (Warschauer 2010). Des études ont été consacrées aux jeux massivement multijoueur (Steinkuehler 2007), aux fanfiction (Black 2008) et plus récemment aux chroniques Facebook (Bigot, Maillard & Lambert 2016). Comme pour les environnements personnels d’apprentissage, on peut se poser la question de la place qu’occupent les échanges dans ces nouvelles pratiques et de leurs fonctions. Par ailleurs, comment doivent se positionner les institutions éducatives par rapport à ces littératies nouvelles qui relèvent selon certains (Jenkins 2006) d’un « curriculum caché », autrement dit, d’un parcours de formation informel ? Doivent-elles s’en emparer ? Si oui, à quelles conditions et pour quelles finalités ?


[1] Marcoccia, M. (2001). « La communauté virtuelle : une communauté en paroles », Actes du 3ème Colloque International sur les Usages et Services des Télécommunications –e- usages, Paris 12-14 juin 2001 (Paris : ADERA/ENST/France Telecom). 179-189.

[2] Travail de recherche en cours à l’UQAM, présenté à l’occasion du colloque « une approche sociocritique du numérique en éducation » qui a eu lieu à l’université de Sherbrooke les 15 et 16 mai 2017. Le titre de la communication était le suivant ; “Usages numériques de migrants pour s’approprier le français : entre pré-/post migration et formel/informel”.

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